Qui suis-je ?
Mon mémoire sur la sculpture, mes recherches sur la céramique
Je m’appelle Léonie, je suis artisane céramiste depuis peu de temps, je viens de fêter mes 26 ans. Mon parcours de vie, quelque peu atypique, m’a permis d'apprécier pleinement ma vie de créatrice au sein de l’atelier : devenue maman jeune au début de mes études supérieures, un travail alimentaire était obligatoire. J’ai donc passé sept années de ma vie à courir dans les allées d’une enseigne de grande distribution, que je cumulais avec un emploi dans le collège de mon village. Pourquoi suis-je faite ? En plus de ces deux emplois du temps et de ma vie de jeune maman, je me suis relancée dans les études, une Licence en Histoire de l’Art et Archéologie, car il m’était impensable de finir ma vie dans la grande distribution, je ne savais pas ce que je ferais mais je me jurais chaque jour que je n’y resterai pas toute ma vie. L’année 2018 a été un véritable calvaire pour mon mari et moi : ma reprise d’étude en première année de Licence s’est soldée par un cuisant échec, essuyant même un 1/20 en Histoire de l’Art Antique (n’est ce pas encore pire qu’un 0/20 ?)
Pourquoi suis-je faite ? Etonnamment, à force de persévérance (et d’apprentissage assidu de chaque forme de céramique antique… on apprend de ses erreurs !), j’ai fini ma licence en Histoire de l’Art avec le statut de major de promotion. Pour continuer mon Master, il me fallait un sujet qui me tenait à coeur : j’ai souhaité regrouper toute mon énergie sur la redécouverte d’un sculpteur franco-polonais du XIXe siècle, ma maman étant d’origine polonaise et mes parents m’ayant fait grandir dans l’amour de ce siècle à travers son esthétique, les visites historiques et les contes pour enfant.. La sculpture est un médium qui m’a toujours inspiré : ces cours sur la sculpture, les céramiques, œuvres uniques et personnelles dont les artistes en modelant la terre, arrivaient à laisser leurs empreintes dans celle-ci pour les décennies futures, avaient le don de m'émouvoir sérieusement. Fragment d’un temps et d’une histoire passée, elles savaient raconter les sentiments de son auteur.
En juillet 2022, ma dernière année d’étude voyait le jour. Je me sentais presque accomplie, prête à tenter tous les concours liés à la muséologie et sortir enfin de l’enfer de la grande distribution. Mais au fond de moi une question résonnait : Pourquoi suis-je faite ?
L'arrivée d’un bébé qui en a fait naître un autre
Vous est-il déjà arrivé d’avoir le sentiment qu’il vous manque quelque chose pour être réellement, pleinement, irrémédiablement accompli ? Tout ce théorique, que je connaissais sur le bout des doigts, manquait de sens pour moi. Voulais-je finir ma vie assise derrière un bureau ? Ma vie professionnelle se résumait-elle à fuir la grande distribution pour un travail qui m’ennuyait un peu moins ?
Et puis, que savais-je faire d’autre ? J’admirais ma mère couturière, mon oncle menuisier m’inspirait par ses créations. Et quand est-il de moi? Suis-je capable de faire quelque chose de mes mains ? J’ai tout essayé : la couture, le dessin, la peinture, le tricot, la broderie. Mais concrètement, en plus d’être mauvaise, il ne se passait rien au fond de moi. En recherchant assidûment sur divers sites, je suis tombée sur la page des ateliers de mon village : atelier de la terre, tous les mardis après-midi.
Vous pouvez donc clairement imaginer d’où est née cette soudaine passion : je me suis retrouvée du jour au lendemain à travailler la faïence et le grès avec une partie des retraités de Wavrin, dont la terre leur était familière pour la plupart, depuis plusieurs décennies. Ils me parlaient de l’amour qu’ils portaient pour elle, de cet effet terapeuthique pour certain, de la manière dont ils pouvaient laisser parler leur créativité. Elle me parlait. Elle me criait même.
Un élément me frappait avec ce médium : moi, éternelle insatisfaite de mes créations, j’avais le pouvoir de les modifier à l’infini (en effet, tant que la terre n’est pas cuite, celle-ci peut se retravailler, même plusieurs dizaines d’années plus tard.) Et sa texture polyvalente, à la fois liquide en engobe, molle et plastique en modelage, sèche comme du cuir, dur et tranchante une fois cuite, tout cela me parlait.
Par la force des choses, et notre envie commune, je suis tombée enceinte quelques semaines après avoir commencé la terre. Mais ce travail éreintant dans le commerce, dont j’avais gravi les échelons jusqu’à devenir manager ne laissait place à aucun de mes deux bébés. Le 24 décembre je fut arrêtée de travail par mon médecin à cause de problèmes de santé risquant de mettre un terme à ma grossesse, cette véritable échappée me laissais tout le temps pour moi, ma fille, ma grossesse et surtout ma créativité. Afin de sortir prendre l’air, mon mari m’emmenait régulièrement en balade dans les forêts du Nord, où j’y découvrais une source inépuisable d’inspiration. Le folklore qui en émergeait aussi, m’intriguait et me ressourçait depuis ma plus tendre enfance. Ce terrain forestier semblait des plus favorables à l’apparition des premières floraisons de ma créativité. Pourquoi suis-je faite ? J’en avais d’un coup la certitude : je me devais de transmettre ces histoires que la terre me racontait.